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De la misogynie à la misandrie

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    girouettefeministe
  • 18 août 2020
  • 18 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 janv. 2021

Article inspiré de l'essai de Pauline Harmange, moi les hommes, je les déteste.

TW (Avertissement du contenu) : mention de sexe, de viol et violences sexuelles.


















Introduction


Pauline Harmange est une femme de 25 ans, écrivaine, féministe radicale et engagée dans l'association L'Echappée1, qui agit contre les violences faites aux femmes.

A l’occasion de la sortie de son ouvrage - très attendu dans les milieux féministes - qu’il me tardait de lire, je me suis embarquée dans une réflexion qui m’a transcendé et dont le ravissement à vous présenter est sans appel. Alors, 78 pages de misandrie gratuite ? Pas vraiment.



Éloge de la misogynie


Les mots de notre langage portent une histoire : leur sémantique nous renvoie à un imaginaire, des représentations dont il faut se saisir pour mieux comprendre la teneur des objets théoriques que l’on évoque. La misandrie apparait dans les années 80 et permet d’ « exprimer la haine, sinon des hommes, du moins du patriarcat. »3 Partant de là, on peut aisément comprendre l’ambiguïté des discours et le contournement du vrai débat entre une misogynie intériorisée et une misandrie présumée : la masculinité. La masculinité comme produit culturel, comme construction sociale est l’ennemi de l’entente entre les hommes et les femmes et de l’accord de respect et d’intérêt commun qu’ils se devraient mutuellement.


Dès les premières pages de son ouvrage, Pauline avance ceci : « L’accusation de misandrie est un mécanisme de silenciation » (p8) des femmes, notamment des victimes. Assimiler la colère des femmes à un sexisme anti-homme est une calomnie, un sophisme, car en réalité, le sexisme, on le voit, les chiffres nous le prouve depuis des années. On condamne peu cette misogynie. Pourtant, les exemples sont nombreux, de toutes les époques (ou presque) et les suivants sans équivoque restent très peu condamnés par la justice et plus globalement par la société : (les citations suivantes sont tirées de l’ouvrage Dictionnaire misogyne d’Agnès Michaux)


«  On peut battre une femme quand il n’y a pas d’autre moyen de la faire taire » : violences conjugales, signée Georges Courteline dans La philosophie de George Courteline (1963)


« Une femme s’inquiète de l’avenir jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un mari, tandis qu’un homme ne s’inquiète de l’avenir que lorsqu’il a trouvé une femme » Bernard George Shaw, cité par L.Treich Bernard Shaw (Gallimard)


« Sois charmante et tais-toi ! » Charles Baudelaire, spleen et idéal, « sonnets d’automne », 1861


« La chasse aux femmes est un sport passionnant. les ennuis commencent dès qu’on en a attrapé une. » Gabriel timmory, chroniques 1928


« L’homme est sain et direct. S’il n’y avait eu que lui, le sexe serait resté le sexe. La femme complique tout. C’est par sa faute que le sexe est devenu l’amour. » Cavanna, l’almanach-agenda (Belford, 1984)


« Un ministère de la condition féminine ? Et pourquoi pas un sous-secrétariat d’État au tricot ? » Charles De Gaulle, 1967


«  De nos jours, il y a beaucoup plus d’avions à détourner que de mineures. » Yvan Audouard, les pensées (le cherche-midi, 1991)


« Puisque la femme revendique ses droits, ne lui en reconnaissant qu’un seul : le droit de plaire. » Guy de Maupassant


Viol : «  ouverture de la chaste » : Serge Mirjan, Dictionnaire des mots d’esprit (Albin Michel, 1976)


« Il vaut mieux une femme violée, qu’une vierge morte », San-Anthonio, les mots en épingle (Fleuve noir, 1980)


« Les femmes ressemblent aux girouettes, elles se fixent quand elles se rouillent » ; Voltaire, Le sottisier


«  Je suis heureuse de ne pas être un homme, car si cela était, je serais obligée d’épouser une femme. » Mme de Staël, l’envers de Clochemerle (Flammarion, 1966)


Serge Gainsbourg, cité par Bayon : Serge Gainsbourg, mort ou vices (grasset 1992) : « Oui c’est vrai que j’ai baisé des choses infâmes, des femmes qui étaient en dehors du beau, c’était presque une punition : je baise cette chose immonde et j’en suis conscient…»


« Les féministes, elles travaillent, picolent, conduisent comme des mecs, et après elles s’étonnent qu’on les encule.. ! » Patrick Timsit, Libération, 18 février 1992



Dans un article de Jacques Letondal, une typologie de trois formes de misogynie sont mises en perspective4 :


«  - une misogynie sociale institutionnelle qui pense la femme incapable de remplir des fonctions plus ou moins importantes ;

- une misogynie des représentations dévalorisées-dévalorisantes de la femme en général qui la présente comme dangereuse ;

- une misogynie en colère, active, devenant agressive, en particulier dans les couples. »


Il me semble que la perception de la misandrie est une forme de misogynie que l'on pourrait rajouter en quatrième typologie. Cela reste à questionner, c'est une hypothèse de mon fait. Au lieu de comprendre, de jouer la carte du progrès social, les hommes en particulier, mais certaines femmes le font aussi, condamnent les féministes en un mouvement qui serait « sexiste envers les hommes », où la faute de la misogynie déteindrait sur le linge souillé des femmes, où les erreurs passées ne seraient que transposées aux femmes et ruineraient plus de 50 ans de lutte pour leurs droits.

La misandrie telle qu’on l’imagine comme sexisme inversé n’existe pas dans les milieux féministes (où alors montrez-moi une étude qui le montre, je suis ouverte aux remises en question et au changement de point de vue) : ce n’est pas contre les hommes que les féministes en veulent, c’est avant tout contre les pressions sexistes érigées par l’histoire en oppression systémique - garantie par un système patriarcal - qu’elles subissent uniquement dû à leur sexe, à leur assignation sexuée de naissance qu’on a pris l’habitude de sexualiser dans les espaces publicitaires, dans les médias en général et aujourd’hui aussi par l’intermédiaire d’internet. Les féministes luttent contre l’hypersexualisation du monde occidental de manières différentes.




Là où le sexisme envers les femmes fait système, le sexisme envers les hommes est une trainée de poudre. Paul B. Preciado a interrogé le terme « féminazie », un mot qui n'a rien d'humoristique, un imaginaire qui renvoie à la mort, aux camps de concentration, à un principe d'extermination qui n'a et n'aura jamais lieu, en affirmant ceci : « Rien ne justifie l’utilisation de l’adjectif «féminazie» pour qualifier les demandes de reconnaissance des femmes, des trans, des homosexuels ou des personnes de sexe non-binaire en tant que sujets politiques souverains. Je ne pense pas qu’il vaille la peine de se perdre dans une discussion théorique. Le meilleur et le plus efficace des arguments est de s’en tenir aux faits.»5



Ils ne sont pas tués, ils sont moins violentés, violés, agressés par des femmes que par des hommes. Les hommes sont plus mis à l’épreuve dans l’apanage qui les virilise que dans le quotidien de leur existence. Les chiffres sur le harcèlement de rue le prouvent. Une étude de l’Ifop datant du 10 avril 2018, réalisée par François Kraus démontre qu’il y a environ 75% des femmes qui ont subi du harcèlement, dont des agressions sexuelles condamnables.6



La misandrie est visible partout : « Regardez défiler les « Men Are Trash » et « #MeToo » qui défilent sur nos écrans de smartphone ! » Est-ce une affirmation réaliste ? Ces hashtags servent à dénoncer des réalités, des expériences traumatisantes difficilement condamnables fautes de preuves. Sont-elles des dénonciations misandres ? Ils mettent aussi en perspective un bouleversement de la masculinité et ouvre une orientation multiple de celle-ci. Certains hommes ont dénoncé un glissement du mouvement #MeToo comme regroupant tous les hommes dans la posture du méchant loup imbriqué dans le même schéma de reproduction de la violence en oubliant qu'il participait à libérer leur propre parole indirectement concernant les viols, les harcèlements et les violences conjugales, qui même moins nombreuses, ne doivent pas être ignorées. J'espère que de nouvelles études scientifiques permettront sous peu de refréner TOUTES formes de violences physiques et psychologiques qui rendent austères nos relations sociales et notre façon d'être au monde. Toutefois, et je m’adresse ici aux hommes : demandez-vous si cela ne vaut pas la peine de s'indigner, de discuter ensemble de cette reproduction ? Sur quoi repose-t-elle ? Valérie Rey-Robert donne quelques pistes de réflexions sur la question dans son ouvrage Le sexisme, une affaire d’hommes.


Sexiste-toi la face ou comment éradiquer la misogynie ?


L’humour a souvent été décrié comme sexiste et un rapport assez récent datant du 17 janvier 2019 l'a démontré. C’est le 1er état des lieux du sexisme en France : lutter contre une tolérance sociale qui persiste et doit être condamné par la justice.7

Ce que l’autrice nous explique dans son ouvrage, c’est la possibilité d’inverser les destinateur.rice.s d’un sexisme « de la légèreté », de faire de la misandrie un élément permettant de faire progresser la volonté d’émancipation des femmes face à un déni de la société globale de la misogynie ordinaire. Je le perçois plus comme une expression suggérée de la misandrie comme arme et réponse à une musique d'ambiance angoissante machiste à profusion. Elle pourrait se lire sous la forme suivante : Je revendique le droit d'être misandre envers les hommes qui engendrent des discriminations et des discours sexistes envers les femmes, sauf qu'au lieu de dénoncer les agresseurs individuellement, ce qui n'est ni autorisé juridiquement, ni pertinent car les violences sexuelles sont commises dans l'espace privé, naîtra alors jusqu'à preuve de contraire, toujours le doute que l'on fait allègrement planer sur la victime, surtout lorsque l'on connait le "monstre incriminé" qui a une soeur, une famille aimante, une vie stable... (On connaît la chanson.)


« moi les hommes, je les déteste. Tous, vraiment ? Oui, tous. Par défaut, je les tiens très bas dans mon estime. »

Avons-nous le choix d’accepter l’oppression ou est-il temps de lutter contre, même si les armes dont on dispose ont des similitudes avec celles qui nous gardent en laisse pour ne pas être trop bruyantes, pas trop convaincantes afin d’anesthésier notre colère et faire taire ce qui au fond nous révolte tous.tes ? Faisons-nous du tord à la cause féministe en s’affichant publiquement misandre ou la « cause » féministe n’est-elle pas instrumentalisée pour dévoyer « en conséquence » la lutte dont elle est imprégnée ?


Dans l’ouvrage Le Boys Club8, Martine Delvaux revient sur le terme « club » signifiant « cliver » : les boys club sont des clans d'hommes blancs, fermés, qui entretiennent le rejet des autres pour conserver le pouvoir. Selon Martine Delvaux, les boys club sont des dispositifs majeurs où interviennent des clivages entre les hommes, qui y trouvent refuge et les femmes, perçues comme éléments perturbateurs. Ils incarnent une identité collective masculine de façon défensive à la montée du mouvement des suffragettes des années 1900. Cette culture du boys club créé un imaginaire misogyne et des rapports de pouvoir et de domination intrinsèques qu’il faut souligner, non ignorer. (D’où l’importance de développer des réseaux féminins d’entraide.)


Comme Valéry Rey-Robert l’écrit dans son ouvrage, Le sexisme, une affaire d’homme9, «  Le #NotAllMen détourne la conversation ; il permet de ne pas s’intéresser aux violences faites aux femmes par les hommes pour s’intéresser à ce que cela fait aux hommes ». Il est temps de s’intéresser un peu plus au quotidien des femmes, leur pluralité, à ce qu’elles pensent, à ce qu’elles veulent. Il est temps de ne plus se justifier pour tous nos propos tenus. Demandons aux hommes de chercher la source du problème sans leur donner continuellement la réponse à l’équation de la colère féminine avec plusieurs inconnues, dont font partie les hommes, qu'ils rejettent pour certains en bloc en nous accusant avec audace et sans scrupule par derrière. A ma connaissance, le fait d’essayer de discuter calmement avec des hommes n’a pas beaucoup amené ceux-ci à me rejoindre dans ma lutte, à se documenter raisonnablement plus, à me questionner sur ce qui pourrait être possible ou non, à réfléchir ensemble. On m'a lancé à la figure que le mouvement féministe régressait, ramait alors que je n'ai jamais vu autant de littérature couler à flots. Faut-il encore que cela dure : la tentative récente et infructueuse de Ralph Zurmély de censurer Pauline Harmange peut être une piste de réflexion de plus sur les débordements tolérés ou non par le patriarcat.




Les femmes détestent les hommes : où est la misandrie ?


Détester les hommes en tant que groupe social peut être bénéfique lorsqu’on est féministe, tel est le message salvateur pour certaines femmes de se révéler à elle-même. On peut détester une personne un jour, ou deux, ou souvent et parfois tout le temps. Comme on pourrait aimer quelques heures notre frère ou notre soeur et le ou la détester à certains moments. La détestation des hommes repose sur une conception militante comme un barrage à l’hégémonie d’admiration généralisée envers les hommes. Loin d'être malveillante, elle est un appel à la rébellion, à l'audace, à leur ténacité et à l'insoumission.

Les hommes ne sont pas conscients qu’une majorité d’entre nous, femmes, n’avons pas été formatées à entreprendre mais à toujours leur demander de l’aide, de cultiver l’objectif, le feu vert des hommes, leurs applaudissements à moitié forcé de ne pas avoir trouvé la même réplique, de s’en sentir presque coupable. L’autrice a un moment déclare ceci et je ne vois pas ce qui pourrait être plus parlant : «  C’est aussi parce qu’il n’y a pas grand-chose de plus fatigant que de voir un homme récolter des lauriers disproportionnés en retour de ses minuscules efforts, tandis que les femmes sont encore soumises à d’impossibles standards qui les rendent toujours perdantes. »


Pour l’autrice, la misandrie est « un sentiment négatif à l’égard de la gent masculine dans son ensemble » qui se manifesterait par une impatience envers les hommes - cisgenre - et un rejet de leur présence dans les cercles féminins. Elle la perçoit comme un principe de précaution : « Après avoir passé tant de temps à être au mieux déçues et au pire brutalisées par les hommes – d’autant plus après avoir absorbé la théorie féministe qui articule le patriarcat et le sexisme–, il est tout naturel de développer une carapace et de ne plus donner notre confiance à n’importe quel type qui passe par là et qui nous assure que si si, lui il est gentil » 

En continuant dans la lecture, l’autrice nous rapporte l’expérience d’amies féministes qui deviennent sans vraiment en avoir conscience, misandres. « Parce qu’il n’y a pas beaucoup d’autres solutions, et parce qu’en ayant ouvert les yeux sur la profonde médiocrité de la majorité des hommes, il n’y a plus vraiment de raison de les apprécier par défaut. » (p19)




Macquée avec un mec : hétérosexualité et misandrie sont-elles compatibles ?


A cette question, je n'ai pas encore de réponse. L’émancipation a un coût et un goût : celui de la liberté. Malcom X disait lors d’un discours le 7 janvier 1965 : «  Paix et liberté ne peuvent être séparées, car personne ne peut être en paix tant qu’il n’est pas libre. » Cette liberté comme nécessité demande des formes de sacrifice, d’égarement et des heures de réflexions intenses et de tortures psychiques à la limite de la distanciation avec nos émotions. Je me suis vue parfois établir des discussions sur des sujets très difficiles à aborder avec une impassibilité presque suspecte.

Ces derniers temps, je questionne beaucoup mon engagement féministe et je gamberge sur mes positionnements quant au lesbianisme politique, c’est-à-dire, pour reprendre Monique Wittig9, que « les lesbiennes ne sont pas des femmes » et qu’on devrait limiter le fait de relationner avec des hommes pour nous construire car le plus dur de ce que l'on subit se cache derrière les regards indiscrets, derrière les apparences honnêtes. Songeons à l’école par exemple : non pour remonter dans le temps et rétablir des écoles non-mixtes, mais pour ré-éduquer les fillettes à échanger, apprendre à dire non, apprendre à développer leur estime d'elles-mêmes et leur capacité à créer sans l’aval d’une figure masculine. Apprenons-les à être désinvolte, critique, sans renier l'empathie ou la douceur. Un passage du podcast à soi de Charlotte Bienaimé m'a secoué, le numéro 12, Les femmes sont-elles des hommes comme les autres ? : On est différent. Ça tournait dans ma tête inlassablement, et pourtant, ce groupe de mots m'était familier, si présent en moi lorsque je suis en face d'un inconnu, avec un sentiment de peur, puis d'infériorité, que je voudrais le voir disparaitre à tout jamais. Mais il m'arrive de plus en plus après quelques remarques sexistes de me sentir à nouveau légitime, et de batailler corps et âme pour revendiquer mon droit d'exister, de m'exprimer même si je coince ma langue dans la porte de l'échange que j'ouvre. Et puis plus tard dans ce même podcast, l'association arthémisia redéfinit les compliments genrés en essayant de ne pas restreindre ceux-ci à des constats physiques qui peuvent avoir des effets destructeurs comme la jeune fille qui pense ne pas avoir de muscles.


Tout comme l’autrice, j’éprouve des difficultés à m’y pencher pleinement, sortir de l'hétéronormativité pour exister, et puis l'idée me gêne : ne puis-je pas aimer un homme tout en étant persuadée qu'il existe assez de force en moi pour ne pas définir ma vie autour de sa vie à lui ? J’ai toujours eu des relations hétérosexuelles, et j’ai toujours eu en proportion plus d’amis que d’amiEs. Avec un peu de recul, j’ai le sentiment que pour que les hommes changent vraiment leur fusil d'épaule, il serait nécessaire, et non négligeable, de les forcer à se remettre en question, mais à la différence viriliste de leur casser la gueule, leur faire la gueule, les oublier un moment, les mettre de côté. Comme ils l’ont fait en réalité depuis des siècles.

Martine Delvaux dans son ouvrage Le Boys Club, où les femmes sont des couvertures et des arrières-plans pour mieux valoriser les hommes entre eux, forts, beaux, ténébreux et virils. Il est nécessaire que les hommes reprennent sérieusement leur éducation en main, surtout les cis, hétéro, riches et blancs. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont aucune raison de questionner a priori leur conditionnement puisqu’ils sont en principe « heureux », selon les critères normatifs qu’une société, ici capitaliste, projette sur nous, et rien ne leur ferait d’eux-mêmes acheter par exemple : Se défendre, une philosophie de la violence d’Elsa Dorlin11.

Beaucoup de travaux de femmes existent, beaucoup de femmes sont inspirantes plutôt que de se référer toujours à ceux des hommes. Lorsque l’on est féministe, que l’on gravite sur la route du désenchantement d’un monde fait pour les hommes, on s’éloigne de la patience intériorisée à mesure qu’on arrose de connaissances tout ce qui nous semblait vrai, figé dans le temps et l’espace social. Nous féministes, nous déconstruisons un monde irrespirable, et le monde n’avance à la même vitesse. Nous sommes en manque d’oxygène comme les femmes du Mercery 13, un documentaire signé David Sington et Heather Walsh qui rend femmage aux 13 femmes pilotes de l'air, recalées du programme pour devenir astronautes par la NASA, le Congrès et le Président Kennedy.

Derrière un homme qui conscientise cette condition, il y a des femmes. Pourtant, les hommes sont habitués à dédaigner les intérêts féminins, souvent jugés à contre-courant de la rationalité. Lorsque l’on aborde la question du féminisme, et donc de la place de la condition des femmes, figures centrales du mouvement, il apparait logique qu’il n’échappe pas à un mépris de sexe insufflé dès le plus jeune âge. Au-delà et en parallèle d’une misandrie qui « pousserait », ou du moins, amènerait à prioriser les convictions féministes quitte à générer hypothétiquement de nouvelles formes d’oppression si elles sont généralisées, mes réflexions déjà étayées par les études du genre et la remise en cause du genre comme construction sociale semble être une révolution pour combattre les violences subies par les femmes, réprouvées des hommes, afin de repenser les codes de la féminité et de la masculinité. Silence on meurt, ou mourrons dans le silence. Aujourd’hui, tout l’intérêt est de ne plus taire nos revendications, nos souffrances et d’enterrer les accords sexistes tacites intrinsèques des discours masculins, et parfois déclarés par les femmes, victimes de leur socialisation différentiée.

Pourquoi ne peut-on pas mettre misandrie et misogynie sur le même spectre de détestation ?


Il est temps que les hommes se tiennent à jour du chemin parcouru par les pensées féministes pour ne pas finir aveuglés par une aigreur mortifère et ce qui est sous-jacent à cette possibilité, à continuer de marteler nos corps de regards appuyés, à souiller nos mémoires d’images, de mots, qui dépassent la ligne rouge que serait la détestation des hommes.

Les féministes sont misandres par dépit, sous couvert d’une couverture ironique et iconique, dans le sens d’incarner et symboliser une fracture nouvelle entre les femmes et les hommes, que l’on peut interpréter comme la réponse inévitable des femmes incomprises. Ces femmes qui ne sont pas assez écoutées, « trop » déconstruites et surtout combattantes sans volonté de rémission des actes et des paroles qu’elles ont enduré, qu’elles subissent encore et qu’elles sont tenues d’accepter tant que la société n’aura pas drastiquement évolué, tant que les dominant.e.s nieront les violences sans écoper du moins châtiment. Cette misandrie se caractérise par une méfiance envers les hommes qui s’est essentialisée, afin de dépasser un déterminisme genré et les discriminations qui l’accompagnent.

L’autrice nous rappelle que la misogynie et le système patriarcal que les féministes combattent font des victimes. «  Le patriarcat tue » n’est pas une légende. Dans l’imaginaire collectif, misandrie et misogynie sont deux faces de la même médaille, celle du sexisme, mais ce n’est pas vrai, c’est beaucoup plus complexe que ça. (p34)

«  On rappelle que les misogynes usent d’armes allant du harcèlement en ligne jusqu’à l’attentat, comme celui de l’École polytechnique de Montréal en 1994, dont il n’y a à ce jour pas d’équivalent misandre. » Mélissa Blais, chercheuse en sciences sociales à l’université de Montréal a écrit un ouvrage sur l’antifémnisme sur cet attentat «  Retour sur un attentat antiféministe : École polytechnique de Montréal, 6 décembre 1989 »12 publié aux éditions du remue-ménage en 2010, soit 20 ans après l’incident, sous la direction de Francis Dupuis-Déri, Lyne Kurtzman et Dominique Payette. Petite erreur donc de date dans l’ouvrage de Pauline Harmange, mais néanmoins, il illustre remarquablement le fait que des attentats contre des hommes, parce qu’ils sont des hommes, n’a nul pareil dans la misandrie.


Qui sont nos alliés ?


Nos alliés sont d’abord les hommes qui ont pris le parti de se remettre en question, de nous écouter et de se déconstruire avec et sans nous. La colère des femmes n’est pas comparable aux violences du système patriarcal et des violences individuelles et multiples que l’on subit en tant que femme. La colère des femmes n’est pas compatible avec la douceur de nos existences, présumée et établie dans l’éducation et plus globalement intégrée dans notre habitus qui attribue un rôle de dominée sans alternative possible. Le féminisme est une exigence envers les hommes d’abord, mais aussi envers les femmes dans une perspective de conscience collective afin de promouvoir nos droits et nos revendications dans le but de faire évoluer les moeurs de nos sociétés occidentales.

Nos alliés ne peuvent être misogynes. Et surtout, au-delà des stéréotypes et des croyances que nous pouvons avoir sur les hommes ou les femmes, je considère qu’il faut s’en échapper, redéfinir les contours du genre. L’enjeu est que chaque individu puisse se construire en faisant face au moins de discrimination possible, dans un système moins hiérarchique et plus horizontal où certains métiers dénigrés, activités durement rémunérées mais extrêmement enrichissantes, soient au contraire revendiqués. Les modèles éducationnels ne dérogent pas à cette conviction : comme le dit Pauline Harmange, « ni la violence qu’on encourage chez les garçons ni la passivité qu’on impose aux filles ne sont des réponses appropriées, pour soi comme pour les autres, dans les situations d’injustice ou de conflit. » (page 46)


Valoriser les femmes et leur travail


Les femmes en général, et je ne suis pas exempte à la règle, ont une confiance en elle beaucoup plus visible que ce soit dans le monde du travail où on demande moins d’augmentation ou dans la vie en général où le syndrome de l’imposteur ne semble jamais bien loin pour nous parer d’ombre. Les hommes sont plus facilement amenés à « faire passer leur médiocrité pour de la compétence (…) qui porte le nom d’arrogance.»

S’ajoute à cela que ce soit dans n’importe quel domaine, on en demandera toujours plus aux femmes : se justifier, parler, représenter, travailler, s’habiller ni trop ni pas assez, pareil pour le maquillage et surtout en ce qui concerne leur apparence, les femmes sont canonisées en des produits culturels qui sont médiatisés dans un but commercial. C’est la thèse de Mona Chollet dans son ouvrage Beauté Fatale, les nouveaux visages de l’aliénation féminine13 : la célébration de certains corps féminins, comme contrainte de l’ordre social afin de maintenir les femmes dans une position sociale inférieure. Au contraire, on légitime plus un homme qui va avoir une bedaine et une haleine fétide qu’une femme qui a oublié son rendez-vous mensuel chez l’esthéticienne. Je caricature, bien sur, mais les standards de beauté ont toujours été genrés et beaucoup plus intransigeants avec les femmes comme un contrôle de qualité à valider du corps devenu marchandise.

Pour pallier à ces différentiations de comportement, il serait intéressant de ne plus mettre les hommes sur un piédestal, qui demande un effort encore plus considérable de validation des femmes qui seront toujours dans l’ombre d’hommes ayant dit ceci ou ayant produit cela tout aussi pertinent sinon plus. Lorsque l’on parle de viols ou de femmes battues qui témoignent et osent dénoncer ce qu’elles ont subi, on devrait prendre le parti de les croire, beaucoup plus qu’on l’a fait auparavant. Prendre parti pour la victime et ne pas « taire » les agressions faites dans la sphère privée, c’est les dénoncer. Hors, à partir du moment où un ami ou une amie vous confie une expérience grave, la moindre des choses et de le ou la soutenir en conséquence, justement parce que notre ami.e nous autorise en se confiant à un droit de regard sur la situation qu’elle essuie.

La capacité d’écoute, d’attention et d’empathie des hommes est pour Pauline Harmange beaucoup trop limitée et marquée par des stéréotypes de genre où les hommes devraient taire leur hémisphère droit émotionnel pour se concentrer sur leur néo-cortex rationnel afin de trouver des solutions et d’apporter des réponses alors qu’en général, je crois qu’une réponse émotionnelle emprunte de tendresse, de tolérance, de mots réconfortants serait plus adaptée. L’issue serait donc de contrecarrer l’hégémonie culturelle des hommes cis blancs pour rendre visible les minorités et les femmes, qui ne sont pas en terme de nombre, minoritaires. Nous devons déconstruire l’idée de célébration de la masculinité virile qui nous ferait croire que tout produit intellectuel et social devrait être validé par les dominants d’un système constitué d’individus hétérogènes. La solidarité entre femmes est un atout aux visions politiques restreintes que l’on prend pour acquises alors qu’elle est en reconstruction en parallèle d’un sentiment de compétition entre femmes. Pour finir, Pauline Harmange nous invite à ne pas culpabiliser de détester les hommes, surtout s’il s’agit de mettre en avant le travail des femmes, leurs créations afin de se libérer des contraintes patriarcales qui livreraient les femmes à des positions de confrontation en ayant l’aval des hommes.

On peut être misandre, car les hommes n’éprouvent parfois aucun remord à légitimer leur sexisme à l’aube où le respect s’engage entre deux individus, peu importe leur sexe, leur couleur de peau, leur faciès, leur handicap ou leur genre. Pour moi, la misandrie est un moyen de militer pour l’émancipation des femmes concernant les injonctions patriarcales et c’est ce que ce texte nous partage. À nous de le partager à notre tour.






SOURCES

1° Pour en savoir plus : http://www.lechappee-lille.fr/

2° Le blog de l’autrice : https://uninvincibleete.com/

3° Ludivine Bantigny, « Colette PIPON, Et on tuera tous les affreux. Le féminisme au risque de la misandrie (1970-1980) », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 40 | 2014, mis en ligne le 15 janvier 2015, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/clio/12264

4° Letondal Jacques, « Introduction générale à la misogynie ou bref parcours sur un champ de savoir », Le Coq-héron, 2008/3 (n° 194), p. 9-16. DOI : 10.3917/cohe.194.0009. URL : https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2008-3-page-9.htm

5° Sondage IFOP de février 2018 et rapport d’avril 2018 : https://www.ifop.com/publication/les-francaises-face-au-harcelement-sexuel-au-travail-entre-meconnaissance-et-resignation/

6°https://www.liberation.fr/debats/2019/11/29/feminazies_1766375

7° Danielle Bousquet, Françoise Vouillot, co-rapporteuses Margaux Collet, Marion Oderda, Rapport n°2018-01-07 STER 038, 1er état des lieux du sexisme en france, 2019 - https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/stereotypes-et-roles-sociaux/actualites/article/1er-etat-des-lieux-du-sexisme-en-france-lutter-contre-une-tolerance-sociale-qui

8° Martine Delvaux, Le Boys Club, les éditions du remue-ménage, 2019, page 26

9° Valérie Rey-Robert, Le sexisme, une affaire d’hommes, édition Libertalia, 2019, 260 pages

10° Monique Wittig, La pensée straight, Édition Amsterdam, 1992, republié en 2018

11° Elsa Dorlin, Se défendre, une philosophie de la violence, Édition la découverte poche, 2017, 200 pages

12° Mélissa Blais, Retour sur un attentat antiféministe : École polytechnique de Montréal, 6 décembre 1989, éditions du remue-ménage, 2010, 176 pages

13° Mona Chollet, Beauté fatale, les nouveaux visages de l’aliénation féminine, édition Zones, 2012, 246 pages













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